lundi 13 septembre 2010

Brasil, Place of Happiness !

Dans deux jours je repartirai, se termine ici au Brésil un bien beau mois entre l'été en France et mon prochain voyage en Bolivie...
Un mois incroyable je pourrais même dire, car je viens de vivre deux très belles aventures.

La première : je suis rentré le 15 août à Belo Horizonte, or on avait programmé la plus grande compète de l'année le 28 août, le Rokaz Bloc, un open d'escalade de blocs. Au rythme de 12 à 15 heures de travail par jour, en moins de deux semaines on aura réussi à trouver 4 sponsors pour la compète, à faire en sorte à travers le Rokazblog, facebook, orkut, twitter et des affiches de l'événement collées partout que tous les grimpeurs du Brésil soient au courant et aient envie de participer à la compète, à faire 150 tee-shirts pour les compétiteurs et le staff, à embaucher et former les 18 personnes du staff, à monter les 50 blocs de la finale, à mettre en place dans la salle un éclairage totalement psychédélique...
Le rush total, pour au final un résultat qui dépassait nos espérances ! Tous les grimpeurs forts du Brésil sont venus, et même un Américain, Jon Cardwell (4ème mondial !!), nous a honoré de sa présence !

Le jour J tout s'est bien passé, la salle était pleine à craquer, on était à l'heure pour le début des hostilités, un grand festival de trois heures de grimpe à l'issue duquel les huit meilleurs passaient pour une finale.



Avec Yan :



Au micro, au milieu des grimpeurs :



Pour les finales on avait préparé un grand show... Du gros son, des lumières multicolores de partout, et les grimpeurs qui faisaient des démonstrations de force et d'adresse dans des blocs ultra spectaculaires ! Le niveau chez les hommes était très relevé, les 8 grimpeurs avaient tous au moins du 8a+ bloc au compteur, certains même plusieurs 8b+...
Dans la dernière demi-heure, quand le podium s'est inversé au moins trois fois au rythme des essais plus ou moins fructueux des compétiteurs, les 150 personnes du public étaient en délire, tout le monde gueulait encore plus fort que la musique qui était pourtant à fond, ce fut vraiment un très grand moment...

Seul couac, on avait oublié d'éclairer le sommet du bloc de la finale des filles !! Sur la photo, on me voit l'éclairer avec une lampe frontale que je suis allé chercher en catastrophe...



Au final presque tous les compétiteurs nous ont remercié en disant que c'était la plus belle compète à laquelle ils avaient participé ! On fait des progrès tous les ans !
Jon qui remporte la première place m'a même dit qu'il avait un peu retrouvé la même ambiance qu'en coupe de monde d'escalade !!

Une petite photo de groupe...




Cinq jours plus tard, je partais vers la deuxième grande aventure du mois, à 500 km de Belo, dans le sertão mineiro, une grande paroi appelée Pedra Riscada, le plus grand monolithe d'Amérique, pour grimper une voie grandiose nommée Place of Happiness que j'avais déjà tentée en juin sans succès. Un ami avait fait une mauvaise chute et s'était alors cassé un os du pied...
Nous avions trouvé la voie tellement belle et majeure que nous nous devions d'y retourner rapidement. Je suis reparti cette fois avec le même Kbção de la première tentative, Carlito qui était en France cet été avec le Rokaz trip et Pedrinho un autre bon grimpeur.


C'est la plus belle...




Cette fois-ci grâce au 4x4 de Carlito on a pu arriver au pied de la face sans passer 2 ou 3 heures à faire des remblais dans une rivière. Le premier jour Pedrinho et Kbção ont hissé jusqu'à une vire au niveau du 7ème relais un barril de 50 kilos avec de la bouffe et de l'eau pour trois jours de grimpe pendant que Carlito et moi nous grimpions le plus haut possible avant de redecendre en fixant des cordes jusqu'à la vire pour dormir.
L'idée était d'essayer de faire au moins 9 ou 10 longueurs le premier jour, pour en laisser 8 ou 9 pour le lendemain et redescendre le troisième jour de la paroi.


Mais nous avons buté sur la huitième longueur. C'est la seule longueur qui est dangereuse, car il y faut grimper une fissure difficilement protégeable au dessus d'une vire... C'est là que Bean était tombé en juin et s'était cassé le pied.
Quand j'attaque cette longueur, je suis pourtant relativement serein car je l'avais escaladée sans trop de problème en juin. Mais cette fois-ci, il est 14h00, nous sommes en plein soleil, il fait très chaud... Le relais de départ de la longueur est deux mètres au dessus de la petite vire où était tombé Bean. A trois mètres au dessus du relais il y a un spit que je mousquetonne, ensuite il y a 7 mètres de fissure très fine en 7b jusqu'à un second spit à 10m au dessus du relais.
Au dessus du premier spit, je mousquetonne avec quelque soulagement un coinceur coincé laissé par les Cariocas qui ont été les premiers à répéter la voie il y a quelques semaines. Il a l'air bien coincé, je me dis qu'il devrait résister à une chute. Ensuite l'escalade se complique, je ne rentre que le bout des doigts dans cette fissure très étroite, je place un micro- camalot (le 000 !!), puis un deuxième, enfin un troisième, surtout pour le moral, je ne sais pas trop s'ils pourraient résister à une chute...

La fissure en question, vue du haut :


J'arrive à 50cm du deuxième spit, mon graal !! Je suis au seul endroit de la paroi de 850m de haut où il ne faut absolument pas tomber à cause de cette vire 12m en dessous...
Je grimpe, le spit est tout près, mais tout à coup il se passe quelque chose qui m'échappe : ma main droite zippe et s'éjecte de la fissure !! Les secondes qui suivent me semblent une éternité... Je commence à basculer en arrière, chtac mon premier camalot saute, je commence à partir en saut perrieux arrière, chtac mon deuxième camalot saute aussi, je vois le ciel tourner autour de moi je ne comprends rien à ce qui se passe, rechtac le troisième camalot se fait la malle ça commence à craindre carrément, je tombe toujours en chute libre, encore chtac cette fois-ci c'est le coinceur qui se décoince et part en chute libre avec moi, je tombe je tombe je n'arrête pas de tomber, je passe comme une fusée à côté de Carlito qui m'assure, et BAOUM, j'atterris sur la terrasse 12 mètres plus bas que mon point de départ...

Je suis arrivé assis, face au vide, je reprends doucement mes esprits, il se passe une seconde, deux secondes, c'est incroyable, il n'y a aucun os, aucun tendon ou muscle qui ne crie, j'ai les fesses et le dos en bouillie mais je ne me suis rien cassé !! C'est le pire plomb de ma vie mais je suis indemme ! C'est un miracle, j'ai subi exactement la même chute que Bean il y a trois mois et je ne me suis rien fait de grave... Les muscles de mes fesses tendus comme du béton par l'adrénaline ont amorti le choc !!

Une heure plus tard, je réessaie à nouveau le passage, cette fois en escalade artificielle, en testant les protections une par une. Mais le premier camalot, à la troisième pression un peu forte que je donne vers le bas est éjecté de la fissure. Je me dis alors que je vais abandonner, que je n'ai aucune envie de me faire mal, qu'aucune paroi même l'une des plus belles du monde mérite de se blesser pour elle. Le soir du premier jour nous redescendons donc sur la vire de bivouac où Kbção et Pedrinho nous attendent, avec le sentiment de ne pas avoir rempli notre part du contrat... Mais tant pis, je pense à la superbe virée à vélo qui m'attend en Bolivie avec coco et qui est beaucoup plus importante pour moi que n'importe quelle escalade.

C'est alors que se produit un second miracle... Sur cette petite vire où poussent deux arbres rachitiques nous trouvons une branche un peu près droite de 5m de long !! Et naît dans nos cerveaux une idée un peu saugrenue mais qui pourrait peut-être fonctioner...

Lever de soleil depuis notre petite vire le matin du deuxième jour :



La région est magnifique !



Le lendemain à 7h du matin je suis à pied d'oeuvre au pied de la même fissure rebutante que la veille. Je grimpe jusqu'au premier spit, je place deux camalots moyens 2m au dessus de ce spit, je m'asseois délicatement dessus (la veille ils n'avaient pas résisté à ma chute !), et je hisse jusqu'à moi avec une autre corde le bâton de 5m de long, avec à son bout, collée à l'aide de sparadrap, une dégaine et la corde mousquetonnée dans la dégaine. Je fais monter doucement le bâton au dessus de moi, je m'étire le plus possible vers le haut, avec le bâton en bout de bras, et au bout d'une demi-heure d'essais infructueux, j'arrive finalement à mousquetonner le deuxième spit cinq mètres au dessus de moi !! Je parviens ainsi grâce au système D à venir à bout de ce passage dangereux sans prise de risque excessive ! A ce moment-là c'est la fête sur la paroi, on gueule tous de joie !

Le reste du deuxième jour je grimpe la neuvième longueur en 7c sur coinceurs qui passe en bonne partie en artif, puis Kbção grimpent deux autres longeurs dures en 7b+ et 7c. La longueur de 7c est incroyable, 60 m surplombants avec des spits tous les 7-8m en moyenne !! Adrénaline garantie, mais cette fois sans risque de se faire mal puisque la paroi est déversante. C'est dans cette longueur que j'avais pris un vol de 20-25 m en juin...

Dans la neuvième longueur en 7c :




Le troisième jour on met les réveils à 4h du matin, on remonte de nuit au jumar sur corde fixe les trois longueurs déversantes au dessus de la vire et nous avalons les 7 superbes longueurs difficiles qui nous séparent encore du sommet.

Au sommet, on est d'autant plus heureux que ce n'était pas du tout gagné d'avance que nous y arriverions !!

Au sommet avec le drapeau du Minas ! :


C'est la deuxième répétition de la voie, après la première ascension l'année dernière par Stefan Glowacz, une légende vivante de la grimpe.

Dans la descente en rappel :




Après trois journées passées suspendues à la paroi, nous arrivons en bas à la tombée de la nuit, le timing est parfait, nous sommes complètement deshydratés et affamés mais profondément heureux...


Voilà mon court séjour au Brésil se termine. J'ai embauché la petite soeur de Yan pour travailler à Rokaz à ma place, dans deux jours je pars l'esprit tranquille en Bolivie pédaler dans les plus beaux paysages d'Amérique latine avec Coralie : l'altiplano, le salar de Uyuni, le désert d'Atacama, en route vers la Patagonie... Ce devrait être complètement extraordinaire ! Et pour la rejoindre, je n'ai pris qu'un billet aller...