mercredi 19 septembre 2007

Gutierrez, mon nouveau quartier

Les immeubles de mon nouveau quartier ont des grandes façades en carrelage et des petites fenêtres grillagées. Mais entre ces hauts bâtiments un peu austères se faufilent plus d’arbres en fleur que de voitures. Car mon quartier n’est pas coupé par des grands axes de circulation, il s’accroche à un flanc de colline abrupt coincé entre une grande route qui monte vers les plateaux et une immense favela nichée sur les hauteurs ; ce n’est que vers le bas qu’il semble respirer, vers le centre ville tout proche.
La semaine dernière, j’ai arpenté les quelques rues autour de mon immeuble. J’habite à 50 mètres d’un bar dont la terrasse ne désemplit que le lundi soir en hiver paraît-il. Le reste du temps sur cette terrasse il y a des petits concerts tranquillous.
Cent mètres plus loin, j’arrive à un Carrefour. Décidément je me sens parfois cerné dans cette ville par cette enseigne.
Je continue vers le haut du quartier. A quelques pâtés de maison de chez moi, les immeubles deviennent plus luxueux, les entrées sont en marbre ou en granit, avec deux ou trois portiers à l’entrée. Les rues sont désertes et silencieuses. Sans l’éternel soleil de Belo Horizonte l’endroit serait triste.
Il y a une petite famille qui sort d’un immeuble. Le père, la quarantaine bedonnante, mène sa petite troupe vers une grosse berline aux vitres fumées. Pour une raison que j’ignore, elle n’est pas garée dans le garage privé de l’immeuble comme toutes les autres voitures des immeubles environnants. Parents et enfants marchent d’un pas un peu pressé. Le père jette des brefs regards suspicieux à droite, à gauche, et il me voit. Je suis seul, à pied, ce n’est pas normal. Je me balade en tongs, j’aurais pu être pauvre, mais je suis blanc, il s’engouffre dans sa voiture rassuré.

Je continue à monter la rue qui devient de plus en plus raide. De manière assez perceptible, au fur et à mesure que j’avance, les grilles qui défendent l’accès des immeubles sont de plus en plus hautes, de plus en plus épaisses, de plus en plus électrifiées. Quand les voitures dans les parkings privés sont visibles de l’extérieur, elles donnent l’impression d’être enfermées dans des cages de prison.
Il y a une dizaine d’immeubles grillagés de la sorte et, soudainement, j’arrive en face d’un immeuble fantôme. Le génie civil est identique à celui des autres immeubles, mais les murs nus sont couverts de graffitis. L’immeuble semble avoir été déserté par ses habitants. C’est une carcasse vide et sinistre.
Sans transition, juste après cet immeuble il y a un grand terrain vague jonché de détritus en tout genre. C’est une zone déserte, un no man’s land en pleine ville.
De l’autre côté de cette zone tampon, j’arrive devant des petites maisons construites de bric et de broc, avec briques, zinc et morceaux de plastique. Tous les habitants semblent être dehors au soleil assis dans les petites ruelles. Des ruelles tellement étroites que parfois deux personnes à pied ne peuvent même pas s'y croiser.
Je poursuis mon chemin sur la même rue qui longe ces petites baraques. Un peu plus loin, il y a sur une minuscule place quelques chaises et tables en plastique. Sur une des façades des maisons, une pancarte en bois blanc et lettres de peinture noire écrites à la main indique : « Bar do neném preto ». Le bar du bébé noir. Tout autour de moi, il y a des dizaines d’enfants qui jouent, et il n’y en a pas un seul qui soit blanc.
Derrière moi, des petits rires coquins, un ORNI passe juste à côté de moi et me surprend : deux roues, un petit corps rose, jaune et vert, deux têtes entourées de pots de yaourts pour avoir de beaux cheveux lisses.


Entre les maisons, il y a un cheval et des porcs qui vaquent à leurs occupations avec la même nonchalance bienheureuse que les êtres humains. Ils ont tous intérêt à se sentir bien ici, car aucun d’entre eux n’aura l’opportunité un jour d’aller vivre en dehors de la favela.

Riches, pauvres, lesquels sont les prisonniers des autres ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Well written article.