dimanche 6 janvier 2008

2008, le temps des contes de fées et des coups de matraque dans le dos

J’ai commencé l’année avec quatre amis français à Caraiva, un petit village de pêcheurs perdu sur la côte de Bahia, où il n’y a pas de voitures, où les rues sont en sable, où il n’y a pas encore de lampadaire la nuit mais des bougies à l’entrée des maisons. Le ciel y est bleu et chaud la journée, étoilé et tiède la nuit, la mer est bleu clair avant la barrière de corail, bleu profond après, les plages sont de sable fin, les cocotiers sont partout et les Indiens Pataxó jamais très loin mais toujours très paisibles.






Nous avons passé la soirée de la Saint Sylvestre dans la maison d’une joyeuse bande de jeunes de Salvador, à chanter à la guitare des airs d’Alceu Valença et de Chico Buarque tout en faisant des pizzas au feu de bois. Vers 23h00 nous quittions la maison pour envahir le village de nos rires et guitares, nous étions comme un petit bloc de carnaval bien serré à l’intérieur d’une corde tendue autour de nous, à notre passage les gens commençaient à chanter aussi et certains entraient dans la danse. Nous sommes arrivés peu avant minuit sur la plage, tout le monde y était déjà, des autochtones métis et des touristes brésiliens, des indiens en costume traditionnel et quelques gringos aussi.

Aux douze coups de minuit il y a un petit feu d’artifice, les embrassades sont générales et un concert gratuit commence sur la plage. Du rock, de la MPB, de la samba, puis du forró, des grands sourires de bonheur toute la nuit, en route vers 2008 et le septième ciel.
Un peu plus tard, assis sur la plage pour admirer les lueurs de l’aube, les yeux un peu fatigués mais le cœur aux anges, j’ai cru un moment que les dieux avaient voulu couronner d’une ultime petite touche miraculeuse cette nuit déjà en tout point merveilleuse. Depuis une quinzaine d’années que je connaissais son existence, je le guettais toujours anxieusement après chaque coucher de soleil dégusté, avant chaque lever de soleil observé, sans jamais aucun succès. Et ce matin-là, alors que je ne l’attendais pas, une dizaine de secondes avant que la sphère du soleil frôle l'horizon, il s'est montré nettement pendant trois ou quatre secondes, comme une apparition quasi mystique, un message couleur de l’espoir provenant d’un au-delà tout proche où les rêves se réalisent : le rayon vert.



Trois jours plus tard je rentrais à Belo Horizonte, et je découvrais l’impossible, le cauchemar que je n’osais même pas imaginé éveillé : la maison de Rokaz avait en partie brûlé l’avant veille, Yan et Alexandre ne m’avaient rien dit pour que je ne passe pas les 19 heures de retour en bus à me torturer tout seul sur mon siège.
L’incendie fut criminel, quelqu’un est entré en plein jour dans la maison et a mis le feu aux semelles de caoutchouc que nous avions découpé pour en faire des tapis. Nous pensons à Nem bien sûr, mais nous ne connaîtrons sans doute jamais l’identité de l’auteur du crime avec certitude.
La maison n’a pas pris entièrement feu heureusement, mais une épaisse fumée et des températures extrêmes ont entièrement détruit le rez-de-chaussée de la maison et une partie de l’étage. Le gymnase et le mur d’escalade ont été épargnés heureusement. Les dégâts sont de l’ordre de 5 à 10 kE. Nous mettons les bouchées doubles et nous espérons encore ouvrir la salle le 16 février, sans trop savoir où nous allons trouvé l'argent qui nous manque. Je ne vous montrerai pas beaucoup de photos, d'abord parce que c'est laid, mais aussi parce que mon appareil-photo a bu la tasse à Bahia et qu'il me fait maintenant des photos en violet dès que la luminosité est trop forte.


Le lendemain de l’incendie Alexandre s’est fait attaquer en voiture par trois hommes dont un armé. Ils sont entrés dans la voiture en pointant le revolver vers lui. Ils étaient extrêmement agressifs, Alexandre terrorisé, mais il profita d’un dixième de seconde d’inattention de l’homme armé pour lui envoyer un coup de poing dans la figure, ouvrir la portière, sauter de la voiture en marche et faire un rouler-bouler dans des buissons proches pour se cacher et sauver sa peau.

Aujourd’hui Alexandre est toujours sous le choc et moi je plane encore dans les limbes, aux portes du paradis ou de l’enfer, je n’en sais trop rien.