lundi 7 juin 2010

Petite escalade tranquillou pour récupérer d'un long voyage

Mercredi dernier, j'arrive le matin tôt de Quito, je passe la journée entière à Rokaz à tchatcher avec tout le monde pour me mettre au courant des dernières nouvelles, et en fin d'après-midi je repars pour 4 jours de grimpe dans une belle région sauvage du Nord du Minas.

L'expédition était prévue depuis avril avant que je parte pour la Colombie : l'objectif était un grand mur de 850 mètres de haut, ouvert en 2009 par Stefan Glowacz, un allemand devenu une légende dans le monde de l'escalade, l'un des meilleurs grimpeurs du monde dans les années 90 et qui grimpent toujours très fort sur des big walls dans les coins les plus beaux et paumés de la planète.

"The place of Happiness" est l'une des voies les plus dures du Brésil dans son style, 18 longueurs de 50 mètres en moyenne, beaucoup dans le 7, quelques-unes sur coinceurs, dont deux en 7c... Elle n'a encore jamais été répétée.
Je me disais, OK je ne suis pas du tout entraîné après un mois passé sur un vélo, mais je pars avec des grimpeurs forts (8b/8c au compteur), j'essaierai de suivre derrière eux et puis j'ai plus d'expérience qu'eux, peut-être que ça pourra jouer... bref on verra bien, c'est l'aventure.

Au final on s'est planté en beauté, mais on est tous ultra motivé pour y retourner !

Premier "crux" : la route pour y arriver. On part vers 20h00 de Belo, on arrive vers 4 h00 du mat' à un endroit où la route se transforme en rivière. On dort jusqu'à 8h00 pour attaquer de jour ce premier obstacle. On porte la voiture pour la descendre dans le rio où elle s'embourbe dans le sable... On passe deux heures à la dégager de là, ouf ça passe finalement.





Après 30km de route en terre dans des paysages désertiques magnifiques on arrive au pied du big wall : il est à la hauteur de toutes nos espérances, un grandiose morceau de granit...
La voie se déroule sur l'arête jaune à droite de la paroi.




La marche d'approche dans le maquis local...




Les 6 premières longueurs sont en dalle, pas très dures (entre 5 et 6c), je les avale en tête, mes 3 compagnons remontent au jumar derrière avec tout le matos sur le dos.



Cabeça, le grimpeur le plus fort de l'équipe, attaque la première longueur en fissure alors que les lumières du soir enflamment le ciel.



Le paysage face à nous est magnifique : des dizaines de pains de sucre, plus de la moitié sont vierges de toute trace humaine...





Quand il commence à faire nuit, nous descendons 50 mètres en rappel et nous remontons une rampe vers la droite pour atteindre une terrasse dans la paroi où nous bivouaquons.

Le lever de soleil :



Le bivouac:



Le lendemain matin Mister Bean (un des autres joyeux lurons de l'équipe...) commence la journée avec une longueur en fissure en 7b+ sur coinceurs. Je l'assure. Il y a un spit (sorte de piton) à 3 mètres du relais, ensuite plus rien pendant 8 mètres puis un autre spit. Il mousquetonne le premier spit, avance ensuite difficilement dans la fissure fine et délicate. Il parvient à mettre 3 coinceurs assez mauvais dans la fissure avant d'arriver au deuxième spit. Mais au moment où il se prepare à mousquetonner le deuxième spit, il perd l'équilibre. Son corps pivote doucement mais sûrement, et c'est le vol. Se produit alors la scène classique des films de montagne de série B : les coinceurs sautent les uns après les autres comme une fermeture éclair, ils n'opposent aucune résistance à la chute du grimpeur. C'est moi qui l'assure, c'est un peu l'angoisse, quand va-t-il s'arrêter ?? Il passe à deux mètres de moi en chute libre, et finalement atterrit sur une minuscule terrasse trois mètres plus bas, à moitié arrêté par la terrasse, à moitié par la corde qui s'est finalement tendue grâce au premier spit. Pendant 5 minutes il reste prostré sur lui-même, je lui demande comment il va mais il ne répond rien, il crie tout seul. Après un certain temps il se calme, et m'annonce qu'il a très mal à la cheville.
Les deux autres grimpeurs, Cabeça et Sanzo nous rejoignent. Conciliabule. Nous décidons que Sanzo descendra avec Mister Bean en l'aidant, et que Cabeça et moi nous tenterons de continuer à grimper vers le sommet.

Cabeça n'est pas très chaud pour se lancer dans la longueur, j'y vais donc avec quelque appréhension. La fissure est très fine, difficile à protéger, le rocher est fragile car une seule cordée l'a déjà escaladé, je tombe une fois avec une prise qui me reste dans la main mais le friend (sorte de coinceur) que j'avais correctement posé retient ma chute. Après une heure de lutte acharnée, j'arrive en haut de la longueur, heureux...

Une petite vidéo en portugais, juste pour sentir un peu l'ambiance.






Une photo prise du haut de la longueur :



Cabeça remonte aux jumars la longueur :



La longueur suivante est en 7c sur coinceurs, finalement c'est moi qui la fait en tête aussi :



Ensuite la fissure disparaît dans un mur de granit orange surplombant magnifique... Cabeça fait en tête une longueur en 7b+ d'anthologie :



La longueur suivante est pour moi, une longueur de 60 mètres en 7c, ça promet de bastonner... Surtout que je commence à sentir la fatigue venir. Les points d'assurance sont très aérés, un tous les 6-7 mètres en moyenne. Le crux est sur petites réglettes dans un mur surplombant, juste en dessous d'un spit ! Je prend deux vols de près de 10 mètres avant d'en arriver à bout. C'est dur mais le plaisir est bien là, c'est fou comment je prends mon pied dans l'action...

Une photo prise du milieu de la longueur :



Au dessus il y a encore un mur vertical d'une dizaine de mètres en 7a, je découvre avec horreur le spit suivant presque 10 mètres au dessus ! Je commence à grimper un peu tendu, j'enchaîne les mouvements délicats sans regarder vers le bas, le spit qui s'éloigne, les 500 mètres de vide qui me séparent du sol, le spit se rapproche enfin, je n'y crois toujours pas, il est trop loin, je fatigue. Finalement j'arrive à un mètre du spit, et sauvé, je trouve enfin une prise à peu près franche où je peux mettre plus d'une phalange ! Il me reste encore deux mouvements jusqu'au spit, mon graal. Mais tout-à-coup, c'est la cata, le pire ennemi des grimpeurs de paroi : la crampe !! Mon bras gauche se crispe tout seul, et je commence à crier de douleur et de rage. Je réussis heureusement à changer de bras, je me repose 10 secondes suspendu à l'autre main, et une crampe apparaît dans mon autre avant-bras ! J'essaie de changer de main à nouveau, mais l'acte est désespéré, mon autre main tient à peine deux secondes sur la prise. A ce moment je regarde finalement vers le bas, je vois à peine le spit très loin dans la partie de la paroi surplombante en dessous, il y a la forêt 500 mètres plus bas, je gueule très fort pour faire comprendre à mon assureur que je vais avoir besoin de lui, lucide je m'expulse de la paroi et je pars pour un grand, un très grand vol... Une, deux secondes, la corde met une éternité à se tendre, à freiner ma chute, je tombe encore et encore, mais la paroi est surplombante et heureusement je reste loin du rocher. J'étais à 40 mètres au dessus du relais, après ma chute je me retrouve à deux dégaines au dessus de Cabeça, je suis tombé de 25 mètres environ... La paroi était tellement raide, il y avait tellement de corde pour amortir ma chute que je ne me suis même pas fait mal.

J'ai mon compte pour la journée, ça m'apprendra à vouloir grimper des big walls aussi durs sans entraînement, je redescends au relais... Cabeça n'est pas motivé pour affronter la longueur, il la remonte pour récuperer les dégaines et nous entamons la descente en rappel vertigineuse.



Nous arrivons en bas de la paroi à la tombée de la nuit, nous bataillons 1h30 pour franchir les 500 mètres de maquis qui nous séparent de la voiture sans retrouver le chemin que nous avons tracé l'avant-veille et nous retrouvons nos amis assez mal en point à la voiture. La cheville de Mister Bean a triplé de volume.
Nous dormons sur place, le lendemain matin tôt nous trions le matos et nous repartons rapidement vers Belo Horizonte et un de ses hôpitaux...




Bilan final : du côté de Mister Bean, il ne sait pas encore si il a un ligament de la cheville rompu, il va faire d'autres examens cette semaine.
De mon côté, j'aurais découvert une belle région, un de ces grands murs que j'affectionne particulièrement, et j'ai un beau projet en plus à réaliser qui me fera rêver ces prochains mois !


1 commentaire:

Anonyme a dit…

E verdade que o Brasil é um pais para escaladores. Nao tem um pao de açucar so !
Vi a sua video. Muito legal ! Mas na verdade, uma via dessa foi brincadeira para um cara que ja subiu a cara oeste do Huayna Potosi, né ? Parabens para o seu sotaque. Acho que depois de três anos, você ja virou brasileiro.
Na minha época, a melhor lembrança de expedicao foi a do Pico da Neblina. Demora cinco- seis dias para chegar ao pé da cima. E depois, pode subir a pé no meio das plantas carnivoras pelo lado brasileiro mas tambem da para escalar a ultima parede com cordas do lado de Venezuela. Ja foi là ?

Boa sorte. Hervé.