mardi 9 octobre 2007

Les feux de Rokaz (36ème/237)

Vendredi soir, après avoir mûri pas mal notre décision, nous avons remercié Magrão et Ricardo Schen. Magrão ne travaillait plus qu'au ralenti, traînait les pieds dès qu'on lui demandait de faire quelque chose, et quand on lui a dit qu'on n'avait plus besoin de lui sur le chantier, il nous a sorti : "Chouette je vais pouvoir aller grimper à la Serra do Cipó pendant les 3 prochaines semaines !" Un "licenciement" sans douleur donc...

Pour Schen ce fut beaucoup plus compliqué. Car on le payait très bien, et que sa situation était vraiment confortable. Il arrivait une heure en retard tous les matins malgré nos remarques quotidiennes, donnait deux ou trois conseils par heure à ceux qui travaillaient vraiment et encaissait ses 2000 Reais par mois. Le problème est que nous le payions par mois et qu'il avait intérêt à être payé le plus longtemps possible, donc à faire traîner le chantier... Il a fait semblant de tomber des nues quand nous lui avons dit qu'il n'apportait plus de valeur ajoutée au chantier et que nous n'avions plus d'argent pour le payer. Le ton de la conversation est monté d'un cran quand il a commencé à faire du chantage : il nous a laissé entendre qu'il allait ternir notre réputation en racontant des saletés sur nous à tous les gens qu'il connaît dans le petit monde brésilien de l'escalade (où il connaît à peu près tout le monde), puis il a commencé à parler de son comptable, de ce qu'il devrait toucher légalement comme prime de précarité pour laisser planer la menace de nous attaquer en justice pour l'avoir embauché au black.
Finalement je lui ai filé 1000 Reais et on s'est quitté "bons amis".

Ce we je suis allé escalader une des plus grandes parois du Brésil avec Zéca, dans l'état de Rio, à 7 heures de bagnole d'ici. 700 mètres de granit magnifiques. Je vous montrerai bientôt quelques photos.

Lundi matin décalqué je reprends le boulot, je coupe toujours les plaques de bois pour les riveter sur le métal car je n'ai pas encore trouvé de menuisier qui veut bien travailler à 15 mètres de haut. L'après-midi je reçois par la poste des imprimés de la mairie. 15.000 Reais d'arriérés d'impôts. J'hallucine. Je téléphone à notre comptable, il nous dit qu'il va regarder ça et que la mairie a dû se tromper puisque notre entreprise ne fonctionne pas encore.
A midi pour rafraîchir un peu l'ambiance Juscelino (cf message précédent "le who's who de Rokaz") nous raconte sa soirée du samedi soir. Il a emmené Wesley au bordel. Wesley est le jeune garçon timide qui habite dans une favela à deux heures de Rokaz et qui n'est bien sûr jamais passé à la casserole. Juscelino nous raconte avec un sourire qui remonte jusqu'aux oreilles qu'une des charmantes jeunes femmes de l'endroit a pris Wesley par derrière le cou, a enfoui sa tête dans son soutien gorge, que Wesley est devenu vert et qu'il est parti en courant. Rires.
Lundi en fin d'aprème je vais sur Internet, je découvre que l'ami d'Alexandre qui s'était engagé à investir les 80.000 Reais qui manquaient pour boucler le plan de fincancement a changé d'avis. Il n'est plus intéressé. C'est la cata ! Je n'ai en caisse que de quoi faire fonctionner le chantier pendant deux semaines ! J'écris quelques emails à des bons amis en France pour savoir s'ils pourraient m'aider... Puis allongé les bras en croix sur mon lit, plongé dans ma musique, je m'envole vers des contrées plus clémentes.

Mardi matin un nouvel employé arrive sur le chantier. C'est un ami d'ami d'ami d'ami que j'avais contacté la veille par téléphone. Il m'a l'air bien, il comprend vite ce que je lui explique. Il s'appelle Hudson.
L'après-midi on doit résoudre un véritable casse-tête avec Yan pour construire la structure métallique de la grande arche. On imagine plusieurs solutions différentes avec des barres d'acier dans tous les sens pour pouvoir suspendre notre toit de 5 mètres d'avancée à 13 mètres du sol. On calcule la quantité d'acier qu'il faut encore acheter.
Après nous travaillons avec Everton, le père de Yan, sur notre stratégie marketing jusqu'à 21h00. Nous avons presque terminé de dessiner notre logo.
En rentrant chez moi je découvre que deux fidèles amis français vont me prêter de quoi faire fonctionner le chantier pendant un mois... Ce soir ça va beaucoup mieux qu'hier soir ! Et comme tous les soirs je vais aller m'écrouler dans mon lit et dormir comme un bébé.

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