dimanche 30 septembre 2007

Le Who's who du chantier de Rokaz


















Commençons par celui que tout le monde appelle Irmãozinho, " petit frère". Il a 40 ans mais il en fait 50, 25 ans de travaux physiques ça te marque un homme. Il passe ses jours et ses nuits à Rokaz, car en plus d'y travailler la journée, c'est notre vigile de nuit, on le paie pour ça. Mais inutile de dire qu'il ronfle déjà quand je quitte mon bureau après 21h00. Il est divorcé, il a deux enfants qu'il ne voit plus, et il y a deux semaines il a exceptionnellement quitté Rokaz un we pour aller dans son bled natal veiller sa mère atteinte d'une leucémie. Quand je lui demande si tout va bien, il me répond invariablement : "Só alegria !" (que du bonheur !)



Continuons avec Juscelino, notre soudeur. Lui c'est un as, ses soudures sont comme celles qu'on voit en photos dans les manuels. Il a 48 ans, mais en fait à peine 40. Il a un vrai corps d'athlète, normal c'est un pro de la capoeira... Et il met une petite ambiance de fête sur la chantier à toujours rigoler avec tout le monde. Juscelino a eu 6 femmes. La première à 14 ans. Un grand classique : la copine qui tombe enceinte, et qu'il faut épouser pour ne pas se faire étriper par le beau-père... Avec ses 6 femmes, il a eu 17 enfants. La petite dernière a 4 ans, soit dix ans de moins que son petit-fils le plus âgé. Je lui ai demandé combien de petits enfants il avait, il ne savait pas, il a perdu le compte. Il vit actuellement avec deux femmes dans deux maisons différentes. Aucune des deux femmes n'est au courant de l'existence de l'autre. Quand il est chez l'une des deux, il dit à l'autre qu'il travaille, depuis 5 ans que ça dure, un as je vous dis...




Sur la première photo en dessous c’est Juan, le petit frère de Yan, mon associé. Grimpeur de haut niveau, et mannequin pour arrondir ses fins de mois. Il met toute l’énergie de sa jeunesse fougueuse dans le travail.
Sur la deuxième photo, c’est encore Juan avec un de ses jeunes potes grimpeurs, Gustavim, qui nous aide aussi de temps en temps sur le chantier. Dès qu’ils travaillent tous les deux, ils se mettent à chanter à tue-tête, ça fait plaisir à entendre, mais les voisins apprécient moins malheureusement...




















Lui c'est Fabio, notre deuxième soudeur. Il est capable, avec un seul coup d'oeil sur l'endroit où il faudra souder la prochaine pièce, de découper en moins de 2 minutes un morceau de barre d'acier avec 36 angles différents pour qu'il rentre dans la structure métallique du mur comme la pièce d'un puzzle qu'on cherche depuis une demi-heure. On le paie cher, 80 Reais (30 euros) par jour comme Juscelino, et avec ces deux-là on dépense bien notre argent. Le problème c'est qu'une bonne femme des quartiers riches a entendu parler des talents de Fabio et lui offre trois fois plus pour refaire sa maison tout en acier... J'espère qu'il restera encore un mois avec nous. Il a 27 ans, une seule femme, trois enfants, encore un qui a pris de l'avance sur moi !

























Wesley, comme nombre d'enfants et d'ados de la favela, a un nom américain... C'est notre ancien peintre qui a recommandé le fils d'un de ses voisins. Wesley a 16 ans, n'arrivait pas à suivre à l'école et maintenant n'y met plus les pieds un peu à cause de nous puisqu'on l'a embauché. Mais son père nous a promis qu'il y retournerait une fois le chantier de Rokaz terminé... Pour l'instant le père est très content, puisqu'on paie Wesley presque deux salaires minima.
Quand il est arrivé sur le chantier il y a deux mois, Wesley n'osait regarder personne dans les yeux, ne parlait jamais. Maintenant je le surprends souvent à rire, chanter lui aussi. Ça fait plaisir à voir. Il s'est trouvé une deuxième famille. Tous les matins il part de sa lointaine favela à 5h30 pour arriver sur le chantier à 7h30, le soir quand il descend de son 6ème bus de la journée et qu'il a marché une demi-heure il arrive chez lui vers 20h30. Six jours par semaine. Je ne me plaindrai plus jamais de rien je vous promets.


















Sous la voiture c'est Schen qui répare son échappement. Il nous vient de Curitiba, il est censé être le meilleur du Brésil pour contruire des murs d'escalade, mais il nous a beaucoup déçu. Le type de mec qui parle beaucoup, mais dans l'action se révèle mauvais. Il est sans arrêt en retard, voire absent sans justification... En plus il travaille très lentement, il est incapable de donner des instructions aux deux soudeurs en même temps. Bref quand il n'est pas là le chantier avance à peine moins vite. La semaine dernière il s'est absenté pour ouvrir les voies du championnat brésilien d'escalade à são paulo, nous avons fait presqu'un tiers de l'arche en son absence. Ce matin quand il est rentré il n'en croyait pas ses yeux. Je lui ai dit qu'on avait des problèmes d'argent, je pense qu'on va se passer de ses services dans peu de temps. Je ne me fais pas trop de soucis pour lui, il trouvera du boulot ailleurs sans problème.



Suspendu à 15 mètres du sol au plafond du gymnase, je vous présente Magrão, le grand maigre. Bon grimpeur, il étudie en Staps. Enfin étudier c'est un grand mot il ne va à la fac que deux demi-journées par semaine.
Il vient de se faire une entorse à la cheville en tombant d'un bloc, mais continue à travailler pour nous quand même. Je l'ai mis à l'atelier peinture des barres d'acier qui servent pour la construction du mur.












Et voici, avec le même tee-shirt vert qu'il utilise depuis un mois sur le chantier, Yan, mon associé.
















Bon il n'est pas trop à son avantage sur la photo, il est fatigué après une dure journée de boulot. Ce bonhomme-là est à peu de chose près le meilleur associé que je pouvais espérer. Complètement autodidacte, il a dévoré des bouquins sur le marketing, la gestion des salles de sport, les business plans et en a retenu une grande partie sans avoir jamais mis les pieds dans aucune école après le lycée. Il est d'une rare agilité d'esprit, extrêmement curieux, sensible et ouvert, il a trois bonnes idées à la minute, fait presque tout ce qu'il dit, et en connaît plus sur l'escalade que pas mal de moniteurs d'escalade en France. Last but not least, il est presque toujours souriant et de bonne humeur, très agréable à vivre en somme. Il a encore quelques problèmes avec l'informatique et l'organisation en général, mais s'améliorer dans ces domaines-là n'est qu'une question de temps quand on a la disponibilité d'esprit.
Voici deux autres photos de lui pendant un trip au Chili.



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