jeudi 28 août 2008

Coule Brésil...

Dans cette société-là, il y a les classes A, B, C et D.


Les classes A habitent dans des grands palaces sur les hauteurs de villes, ont des grosses voitures et paient très cher l’école privée de leurs enfants de manière à ce qu’ils ne se retrouvent qu’avec d’autres enfants de la classe A.

Les enfants de la classe A sont comblés par la vie. S’ils sont intelligents ils feront fructifier l’affaire de la famille, s’ils sont bêtes papa leur trouvera un placard doré dans une entreprise dont il connaît le directeur. Dans tous les cas ils pourront continuer à vivre dans des grandes maisons avec une grosse voiture, et vivront heureux avec un conjoint qu’ils auront bien sûr choisi dans la classe A pour ensemble enfanter d’autres petits de la classe A.


Les classes B gagnent dix fois le salaire minimum mais se réclament de la classe moyenne parce qu’ils aiment se revendiquer du peuple. Les enfants vont dans des écoles privées, le bon niveau de ces écoles et le soutien des parents à la maison font qu’ils accèdent toujours aux études supérieures. Ils habitent chez leurs parents jusqu’à 25 ou 30 ans, c’est-à-dire jusqu’à se marier, obtenir leur diplôme et un travail qui leur permettra de payer le loyer de leur bel appartement, de se payer une employée de maison car ils n’ont appris ni à cuisiner ni à faire le ménage, d’acheter une voiture, et donc finalement d’avoir la même vie que leurs parents.


La classe C regroupe la majorité de la population de cette société. Elle envoie ses enfants dans les écoles publiques des quartiers pauvres où elle habite. Le professeur a 40 élèves par classe, enseigne les bases du portugais et de l’arithmétique comme il peut avec ses 30 heures de cours hebdomadaire et ses 1000 Reais (400 Euros) mensuels. Le résultat n’est pas vraiment probant. Vu le niveau désastreux de ses élèves le professeur ne leur parle jamais de la possibilité de faire des études supérieures.

Les enfants des classes C ne font donc jamais d’études supérieures, auront les mêmes emplois peu ou pas qualifiés que leurs parents, habiteront plus tard dans les mêmes quartiers pauvres, gagneront quelques centaines de Reais par mois comme eux. Grâce à quelques petites satisfactions quotidiennes, menus opiums ou joies réelles telles que les feuilletons à la télé, le football, le samba et l’église évangélique tous les dimanches, le peuple de la classe C ne se sent pas malheureux car de toute façon il ne sait pas vraiment ce que c’est qu’être heureux.


Les enfants de la classe D ne vont pas à l’école, ils travaillent dans la rue dès l’âge de 7 ou 8 ans, ils boivent et se droguent très jeunes, et s’ils sont débrouillards ils vendront suffisamment de pacotilles dans la rue pour un jour s’offrir une petite cabane dans une favela.

Personne ne leur a jamais fait miroiter qu’ils pourraient avoir un jour un vrai travail et une vie avec petit appartement et télévision. On ne peut pas dire qu’ils soient tristes, ils sont surtout résignés, de jour comme de nuit dans la rue comme ils l’ont toujours été, ils volent, ils puent, ils s’expriment avec 200 mots, en fait la classe D est une espèce d’humain sous-développée, et c’est tant mieux, de cette manière ils ne se rendent pas compte de leur détresse et personne ne les plaint puisque ce sont à peine des hommes.


Dans cette société-là, tous les hommes sont cools et extravertis, toutes les femmes sont ouvertes et faciles : le sexe est libéré, la vie est une longue succession de rencontres superficielles, d’enivrements passagers, de plaisirs sensuels. Une de perdue, dix de retrouvées, de 7 à 77 ans. Il n’y a pas vraiment de sentiments d’Amour, donc pas de grand bonheur qui finit en grand chagrin ou en routine. A défaut de bonheur éphémère, ils ont mieux, le plaisir perpétuel.


Cette société-là vous l’avez bien sûr reconnue, c’est Le Meilleur des Mondes !


Je me souviens avoir lu dans une revue il y a quelques années les résultats d’un sondage qui posait une question existentielle à un panel de je ne sais plus combien de personnes dans un très grand nombre de pays dans le monde entier. En gros la question disait : « Êtes-vous satisfaits de votre vie ? »

Les Brésiliens arrivaient en tête avec environ 80% de « oui », les Français et la plupart des autres Européens étaient dans les profondeurs du classement.


Huxley l’avait compris il y a longtemps déjà : autant ne pas proférer des promesses d’égalité des chances à la naissance, elles ne crééent que de la frustration.

La dictature ultime est celle qui rend tout le monde heureux.